L’élite politique
et médiatique s’est encore une fois solidarisée avec un richissime homme
d’affaire présenté comme un vertueux self-made man dont la fortune
colossal est le fruit du labeur, comme si les Mauritaniens étaient tous des
incrédules pour qui toute fortune, même mal acquise, est digne de respect et
participe au développement du pays. Wul Bu’amatu n’est pas a ce que je sache parmi ses marchants
vertueux, d'ailleurs inconnus chez nous qui se traquassent pour approvisionner les marchés
locaux en denrées de première nécessité a des prix a la portée des petites
bourses. Il ne se rappelle pas aussi a la conscience collective pour avoir investis
dans des activités économiques génératrices de revenus pour un grand nombre de
Mauritaniens. Si cela avait été le cas, beaucoup lui auraient témoigné leur sincère
sympathie et soutien pour leur avoir permis de pourvoir à leurs besoins
fondamentaux et sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de l’ignorance.
Mais les
bienfaits de Wul Bu’amatu se limitent aux acolytes et aux complicités dans les
entreprises criminelles de détournements et d’appropriation des deniers publics
qui pullulent et dominent dans une société corrompue par l’argent facile mal
acquise comme la notre. Aussi, les dirigeants des partis politiques et les « écrivains-journalistes »
ont multiplié les déclarations publiques de soutien à l’homme contre ce qui est
présenté comme un acharnement des autorités contre un acteur essentiel de
l’activité économique. Même le parti Tawasoul dont l’orientation islamique
aurait dû distancer des « mangeurs du riba (prêts usuriers)» auquel
Allah a déclaré la guerre s’est mis de la partie. Il est vrai que son chef
spirituel avait en son temps joué les bons offices dans une autre affaire ou
d’eminents richissimes ont subtilisé des milliards a la collectivité et s’en sont
sortis indemnes grâce a la solidarité de nos biens pensants qui tirent a
boulets rouges quand l’un de leurs bailleurs de fonds a maille avec le pouvoir.
Wul Bu’amatu et
nos hommes d’affaires en général ne méritent pas cette solidarité. Ils n’ont
jamais véritablement crée de richesses mais plutôt utilisé les subterfuges de
l’économie marchande pour extorquer des fonds colossaux a la collectivité
parfois dans l’illégalité absolue, souvent au mépris de l’intérêt général. Dans
les années 80, au moment ou les comités militaires, étranglés par la mauvaise
gestion, enterraient les derniers restes de l’Etat-providence, sous les ordres
rigides et sévères de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International,
Wul Bu’amatu arnaquait des pauvres gens, laissés a leur triste sort par un Etat
qui n’était plus que l’ombre de lui-même, en organisant des loteries illégales
ou des incrédules mal nourris achetaient ses sacs de bonbons, sans valeur
nutritives, dans l’espérance de gagner un hypothétique billet pour les lieux
saints. Wul Bu’amatu s’offrait a l’occasion les services d’un théologien pour
la circonstance pour convaincre les incrédules qu’il s’agit d’une opération
religieusement correcte, sinon de bienfaisante.
Wul Bu’amatu s’est
ensuite investi dans la vente de substances nocives telles les cigarettes et
les condiments mal fabriqués dans un pays dépourvu de capacités institutionnelles pour réglementer
le commerce et éviter que les marchands vereux ne vendent n’importe quoi a n’importe
qui. Il a été en quelque sorte le précurseur de ces marchands sans scrupules
qui amassent beaucoup d’argent en vendent des aliments et médicaments périmés
ou même des stupéfiants, au mepris des dégats qu'ils causent a la collectivité. Probablement plus futés que ses concurrents, il a innové
dans la promotion publicitaire et ce faisant a fait plus de dégâts que les
autres en convaincant nos concitoyens de consommer maggi en grande quantité et fumer beaucoup de
cigarettes. L’endémie des cancers et maladies cardiovasculaires observée ses
dernières années dans notre pays prouve tristement qu’il a réussi son commerce mais la
collectivité croupit sous le poids des soins couteux et inexistant. Wul
Bu’amatu est généreux d’après ceux qui le connaissent et donne volontiers de
son immense fortune a ses acolytes et ceux dont il veut acheter la conscience
mais a ma connaissance, il n’a pas utilisé une partie de ses profits pour
construire des centres de santé ou même d’éducation contre les effets des
substances nocives qu’il a contribué à répandre dans notre société.
Il a certes
construit un hôpital pour les soins ophtalmologiques et je dois reconnaitre
pour avoir visité cette installation pour soigner ma maman victime de ce qui
apparentait comme une erreur médicale de l’un pourtant de nos célèbres
professeurs, Sidi Ely Wul Ahmedou, a l’époque contractuel avec la dite
clinique, que j’ai été impressionné par la qualité du service. J’ai même tenté
de donner un tips a l’agent de
l’accueil tellement sa gentillesse et sa disponibilité contrastait avec
l’humeur massacrante des agents de santé dans les installations médicales dans
notre pays. Mais l’agent m’a poliment indiqué qu’il ne prendra rien. J’ai
appris par la suite par l’un des associés de Wul Bu’amatu qu’il s’agit de
consignes claires de la direction. L’image de l’homme d’affaire s’est considérablement
améliorée a mes yeux mais le logo des grandes marques de cigarettes a l’entrée
de la clinique était la pour rappeler que l’homme fait partie du réseau mondial
de la vente de ces substances nocives, vilipendé dans les grands pays développés
pour les dégâts qu’ils causent surtout parmi les plus démunis, mais qui se déploie
a merveilles sur les espaces de misères ou la conscience du mal que les
marchands de cigarettes causent a l’homme est encore peu développée.
Je sais que ni le
directeur des Impôts, ni le Gouverneur de la Banque Centrale n’agissent pour l’intérêt
général. La fonction publique a depuis longtemps cessé de défendre le bien
commun et les hauts fonctionnaires, tout le monde le sait, allient généralement
l’incompétence au service aveugle aux princes du moment, dans le cas présent,
Mohamed Ould ‘Abd al-‘Aziz et la cohorte de ceux connus ou inconnus qui tirent
les ficelles du pouvoir. Ould ‘Abd al-‘Aziz a apparemment un problème avec « son
cousin » comme il en avait avec les hommes d’affaires impliqués dans
l’affaire des dix sept milliards subtilisés a la banque centrale sans
contrepartie. Il veut lui régler ses comptes, probablement plus pour
l’intimider qu’autre chose, car dans notre pays, seuls les faibles et les
pauvres payent pour leurs forfaitures. Les motivations de Ould 'Abd al-Aziz sont personnelles et n'ont rien a avoir avec l'interet général parce que sinon il n'aurait pas en 2009 descerné la medaille de chevalier de la legion d'honneur a un fraudeur du fisc comme le suggere le directeur des Impots.
Mais si Ould ‘Abd
al-‘Aziz veut règler ses comptes Wul Bu’amatu, cela devrait nous laisser de marbre.
Il s’agit de ces coups que les associés dans la malfaisance se donnent aux moments
de colère mais qui sont généralement vite oubliés quand les bons offices des
bienpensants se mettent en jeux. Pour moi et les frustrés de ma sorte au regard
de l’omerta qui entoure les détournements des biens publics et l’enrichissement
illicite qui écrasent les pauvres et leur dénient l’espoir d’un monde meilleur
— il suffit de voir l’état de nos écoles publiques — je savoure ces moments ou
le Chef de l’Etat reprend d’une main ce que lui-même ou l’un de ces prédécesseurs
a donné d’une autre, parce que tout simplement j’y sens une sorte de justice de
la Providence qui nous rappelle que l’impunité, régit en valeur dans notre
pays, n’est pas la règle naturelle et que, comme nous enseignent les Prophètes,
Peace be upon them, chacun payera un jour de ses fautes, tôt ou tard.