"O les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l'équité: cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. (9) Allah a promis à ceux qui croient et font de bonnes ouvres qu'il y aura pour eux un pardon et une énorme récompense. (10)" Coran, Sourat al-Maida
Je n’aime pas le discours provocateur à relents racistes de Biram Ould Abeid qui a mon avis jette de l’huile sur le feu sur des liens déjà tendus entre les communautés d’un pays fragile, pauvre et mal gouverné comme le nôtre. Mais l’homme mène un combat juste à plusieurs égards, au nom des siens, victimes de l’esclavage et de ses séquelles auxquels le système politico-administratif n’offre pratiquement aucune chance de s’émanciper. Son arrestation par les autorités n’a aucun sens. Je me joins à ceux qui demandent sa libération immédiate.
Lehratin endurent non seulement les séquelles d’un passé esclavagiste sauvage mais aussi l’injustice institutionnalisée du présent qui les privent des sources d’émancipation que sont l’argent et le pouvoir, détenus presque en exclusivité par une élite corrompue largement dominée par les descendants d’esclavagistes. Ils sont très disproportionnellement exclus de l’accès au crédit bancaire, à la propriété des terres, et aux nominations aux fonctions publiques, qui sont les principales sources d’enrichissement et de réalisation dans notre pays. Ils sont peu nombreux dans la fonction publique et quasi-absent dans les patrons d’industrie et de la finance et des grands propriétaires terriens, non pas pour des raisons objectives liées a leur marginalisation historique mais simplement parce que depuis le milieu des années 80 l’accès aux emplois supérieurs de l’Etat, au crédit et a la propriété des terres n’obéit a aucun critère autre que la proximité aux sphères de décision à travers les affiliations tribales et régionales, et subsidiairement le clientélisme politique, pratiquement la seule voie offerte à Lehratin. La correction de ce déséquilibres en leur faveur n’est pas sur l’agenda de ceux qui nous gouvernent car elle ne peut se faire qu’au détriment de l’élite qui ne doit sa fragile cohésion qu’à l’exclusion des autres, même au sein de l’ethnie dominante, tant le gâteau se rétrécit d’année en année pour cause de gabegie, étroitesse d’esprit, et contraintes économiques.
Le cas du crédit et des terres agricoles est à ce titre révélateur. L’irrigation des vastes terres de la Chamama rendue possible par les ouvrages de l’Organisation de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et la disponibilité des crédits agricoles financés a cout de milliards par les bailleurs de fonds auraient pu permettre d’accroitre la productivité agricole et créer une petite bourgeoisie rurale et péri-urbaine dans la communauté des Lehratin, traditionnellement laborieuse et aux faits des métiers de l’agriculture. Au lieu de cela, les crédits et les terres ont été attribuées aux commerçants et hauts fonctionnaires suivant la même logique népotiste qui excluent de fait Lehratin peu représentés aux hautes sphères de l’Etat. Le résultat est un gâchis énorme de ressources et une stagnation du secteur agricole malgré des investissements massifs et une réforme foncière progressiste.
Ceux qui ont créé cette situation socialement intenable et œuvrent a sa continuité se murent dans le refus de l’évidence au risque de saboter l’avenir et d’emporter avec eux l’équilibre fragile sur lequel s’est construite la Mauritanie indépendante. Ils continuent à piller en silence les maigres ressources de ce pays, éduquent leurs enfants dans des écoles privées et s’achètent des villas à l’étranger. Pendant ce temps, le cercle vicieux de la pauvreté et l’ignorance se referment sur les plus pauvres en majorité Haratin faute de ressources publiques affectées effectivement aux services de base d’éducation, de santé, d’hygiène et de police. Vouloir étouffer les voix qui protestent contre cette la condition est une stratégie vouée à l’échec. Que ceux qui ont en charge la gestion de ce pays prennent conscience avant qu’il ne soit trop tard.
Mauritania Project est un espace de réflexion et d’échange sur les questions de bonne gouvernance, de rationalité budgétaire et de justice sociale en Mauritanie.
Saturday, November 15, 2014
Monday, November 10, 2014
Aux Anciens Elèves, du Lycée National en particulier
Mon boss clairement apprécie les réunions périodiques
que ses promotionnaires du lycée et de l’université organisent tous les cinq
ans comme c’est la tradition aux Etats-Unis (USA). Il n’en a jamais raté une depuis
qu’il a fini ses études universitaires il y a de cela près d’un demi-siècle. Il
vient de prendre sa retraite et compte bien continuer à entretenir ses liens
avec son université et son lycée à travers ces réseaux d’amitiés et de loyautés
aux institutions éducatives que constituent les associations d’anciens élèves
connus aux USA sous le nom « d’alumni associations.» Sentant mon
intérêt pour le sujet au cours de l’une de nos discussions informelles, il me
faire part de son regret d’avoir perdu le contact avec un « fellow »
du Benin malgré les tentatives répétées de son association d’entrer en contact
avec lui. Il note qu’ils ont trouvé ses traces, en particulier comme
fonctionnaire à la banque mondiale, mais qu’il n’était apparemment pas intéressé
par ce truc « purement anglo-saxon, » dit-il. Comme quoi les
Mauritaniens ne sont pas les seuls à se désintéresser de leurs écoles une fois
leurs diplômes en poche.
Je m’active depuis plus d’une décennie pour
introduire cet notion dans notre pays suivant ma conviction qu’il est
moralement répréhensible et économiquement injuste qu’on profite du système éducatif
sans rien lui donner en contrepartie. Partout et même dans notre pays, ceux qui
ont la chance de bénéficier d’une éducation surtout de qualité ont une longueur
d’avance sur les autres. Leurs chances de se réaliser dans les différents
domaines de l’activité économique et sociale sont sans commune mesures avec les
autres qui n’ont pas (ou peu) eu accès à l’éducation. Ils doivent payer en
retour pour que d’autres générations aient les mêmes chances. Rien à mon avis n’exprime cette relation
permanente de recevoir et donner à travers l’éducation mieux que les
associations d’anciens élèves. Je suis content que l’idée fasse son chemin,
certes lentement mais j’espère surement. Le Lycée d’Aioun vient d’avoir son
association qui commence en force avec des espoirs réels pour voir ce grand lycée
retrouver sa renommée d’antan. Bon courage à Mohamed Lemine Ould El Vadel, le président
de cette association. J’espère que des initiatives pareilles suivront dans
d’autres lycées, particulièrement les plus anciens de Kaédi et d’Atar. Celui de
Rosso malheureusement n’existe plus, victime de la politique de
désinvestissement dans les structures d’enseignement secondaire en vigueur dans
notre pays depuis la fin des années 80.
J’ai perçu l’utilité
des associations des anciens élèves assez tôt, bien avant mon installation aux
Etats Unis. Elle me paraissait même évidente pour le Lycée National tant ce lycée
devrait dans mon esprit représenter beaucoup pour ceux comme moi qui l’ont fréquenté
dans ses années de gloire et qui forment la majorité de l’élite éduquée de ce
pays. Jeune fonctionnaire dans le début des années 90, habitant le coté moins
anti de la capitale, je passais souvent devant l’enceinte du Lycée National en
route vers mon bureau a la Primature et notais la dégradation des lieux. J’imaginais
ce que pourraient apporter les anciens élèves de ce lycée. Je me disais
intuitivement que si une fraction minime d’entre eux donnaient un peu de leur
temps et moyens en guise de gratitude à ce lycée, un élan de générosité pourrait
s’en suivre, ouvrant des opportunités réelles de réhabilitation du premier
lycée de la capitale. Je rêvais d’un grand lycée a l’instar de ceux qu’on
trouve dans les capitales francophones rétabli dans son domaine initial avec
ses bureaux et logements administratifs, dortoirs et réfectoires, installations
sportives et culturelles, laboratoires et salles de classes et rénové avec des
infrastructures modernes à même de le hisser au niveau des grands lycées de la région.
L’idée a germé dans mon esprit avant que je ne la partage avec des amis qui
l’ont immédiatement adoptée donnant lieu à la constitution d’une association et
le lancement d’activités prometteuses en 1998 juste avant mon départ pour les USA.
L’espérance
m’habitait que cette idée généreuse ferait son chemin sans moi surtout qu’elle
captait déjà l’imagination d’un groupe important de jeunes cadres débordant
d’énergie. J’avais décidé de tenter ma chance chez le pays de l’Oncle Sam parce
que déjà à l’époque, je n’entrevoyais plus d’épanouissement professionnel dans mon
propre pays. Je suffoquais sous le joug d’un un système politico-administratif ou
les individus de ma sorte sans appui solide dans la mafia tribalo-affairiste et/ou
sans fougue de succès à tout prix n’ont pas de valeur. Je ne pouvais au mieux espérer
que servir le prince du moment et sa coterie sur les frais de la
collectivité avec la compromission de mon intégrité morale en plus. C’était
bien loin de l’idée que j’avais du service public. J’ai donc plié mes maigres bagages
après dix ans passée au service de l’Etat Mauritanien – juste la durée
obligatoire de service public que les étudiants de ma génération s’engageaient à
remplir en contrepartie de la prise en charge par l’Etat de leurs études universitaires.
Ma conviction de
l’utilité des associations d’Anciens Elèves s’est renforcée suite à mon contact
avec le milieu scolaire et académique américain. J’ai vu de mes propres yeux ce
que ces associations peuvent apporter aux écoles en termes de construction d’infrastructures,
de ressources financières et techniques, d’aide aux élèves et de promotion de
l’excellence. Mais, l’idée n’a pas fait son chemin en mon absence, non pas je
crois faute d’attraction mais parce que personne ne se l’est appropriée comme
s’il s’agissait d’une marque déposée. J’ai pourtant continué à l’entretenir
durant mes séjours de vacances a Nouakchott et à travers l’internet. C’est
l’occasion ici de remercier tous ceux qui a un moment ou un autre m’ont donné
un coup de main, en particulier Meimouna Mint Saleck, ou répondu à mes emails
et sollicitations. Je dis à travers eux a tous les anciens élèves du Lycée
National, qu’ils doivent s’intéresser plus à cette association pour montrer que
dans ce pays on peut encore donner de soi pour des causes nationales à but non
politique. Le minimum est qu’ils mettent les pieds de temps en temps au lycée
pour voir ce qui s’y passent et retrouver leurs anciens camarades de classes.
Cela est en soi important pour un pays où il y a un déficit de contact entre générations,
socioéconomiques et ethniques groups. Peut-être que l’unité nationale tant recherchée
commence là.
Je leur dis aussi
que leur association a besoin d’activistes qui ont un peu de temps à lui
consacrer. Mon activisme solitaire et à distance a atteint ses limites, non
sans avoir réussi à défricher le terrain pour des activités futures plus
soutenues. Votre association est reconnue et dispose d’un siège logé dans
l’enceinte du Lycée National. Le lycée ne parait plus menacé dans son existence
comme cela était le cas, il y a quelques années, même s’il faut rester vigilent
tant les spéculateurs immobiliers et les bureaucrates avides d’espaces sont a
l’affut pour son domaine très convoité. Le Lycée National abrite depuis 2012
« des classes d’excellence » dont le nombre augmente d’année en année.
Bien qu’il n’est pas tout à fait clair pour le moment s’il s’agit d’une
stratégie délibérée et irréversible de faire de nouveau de cet établissement un
foyer d’excellence éducative dans l’esprit de ses fondateurs comme le demande
notre association, cette action des autorités de l’éducation nationale va dans
le bon sens et mérite notre encouragement. De nouveau, des promotions d’anciens
élèves qui ont accompli leur entière scolarité au lycée voient le jour chaque année.
Elles sont l’avenir de cette association.
Ces « classes
d’excellence » ont changé quelque peu la physionomie du Lycée qui a retrouvé
un degré de normalité avec l’accueil d’élèves de tous les niveaux des deux
cycles de l’enseignement secondaire après avoir été pendent presque deux décennies
réservé aux classes de terminales, devenant de facto un centre de préparation
pour le baccalauréat. Il s’agissait en fait d’un arrangement non avoué entre
l’administration et les professeurs de renom exerçant le plus souvent en parallèle
dans des écoles privées qui ont poussé comme des champignons dans les quartiers
de l’Ilot L. Nous avions des raisons de penser qu’il y a une stratégie délibérée
dans certaines sphères de la décision visant l’extinction programmée du Lycée
National dont le domaine au centre de la capitale est hautement convoité par
les spéculateurs fonciers privés et la bureaucratie d’Etat en perpétuelle
expansion.
C’est l’occasion
ici de réitérer notre appel formalisé par une pétition en 2011 signée par de
nombreuse personnalités, de restaurer le Lycée National dans son domaine
initial et de le doter des infrastructures modernes a même d’offrir aux plus
brillants des jeunes Mauritaniens de tous les horizons socioéconomiques une
éducation de qualité comparable à celle dispensée à leurs pairs dans la région
Maghrébine et Ouest-Africaine. Pour ceux qui n’ont pas encore signé cette
pétition, c’est peut être l’occasion de le faire en allant sur le blog http://lyceenational.blogspot.com/2013/02/petition.html#comment-form
Le gouvernement
parait engagé à insuffler une dose d’excellence dans le système éducatif. Nous
l’encourageons dans cette direction. Il ne peut cependant faire l’économie
d’investissements massifs dans les écoles, en particulier celles déjà
existantes pour les remettre à niveau et compenser les effets néfastes du
laisser-aller dans l’éducation publique durant les dernières décennies. Nous
lui demandons de conjuguer le symbolisme à l’action en décrétant inaliénable le
domaine du premier lycée de la capitale tout en reconnaissant le caractère historique de cet établissement. Quel
meilleur symbole pour une politique d’éducation ambitieuse qu’un grand lycée au
centre de la capitale ouverts aux enfants de toutes les composantes ethniques
et géographiques pour affirmer le caractère cosmopolite de notre capitale et pluriethnique
de notre nation. L’unité nationale ne
s’en trouvera que renforcée.
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