Saturday, April 30, 2011

Quelques repères pour le système éducatif

Le gouvernement Mauritanien s’apprête à lancer les états généraux de l’éducation, une sorte de conférence nationale pour dégager un consensus sur une stratégie de réforme du système éducatif. Il est impératif de veiller à ce que ce forum ne soit pas comme ceux qui l’ont précédé une occasion pour les grands débats sans utilité pratique. La recherche de solutions concrètes doit occuper les esprits, notamment pour la question centrale du financement et de la gestion des ressources à la base des dysfonctionnements bien connus du système éducatif. Autrement, le gouvernement gagnerait à faire l’économie d’un débat qui si non maitrisé peut compliquer d’avantage la guérison d’un système qui a trop longtemps souffert de l’instabilité, de la mauvaise gouvernance et du gâchis des ressources.

Pas besoin d’une nouvelle réforme
C’est un vœu pieux que d’espérer améliorer l’efficacité d’un système sans créer les conditions de sa stabilité. Le système éducatif Mauritanien souffre de déséquilibres structurels dus à la propension des gouvernements a le changer au gré des humeurs politiques. En quarante ans, il a subi trois réformes majeures dont aucune n’a été sérieusement planifiée. Ces changements profonds, décrétés par le pouvoir politique en place sans regard pour les considérations de fonctionnalité, de performance et de qualité, ont tué l’école publique devenue le terrain de prédilection et l’instrument d’idéologues et politiciens qui pour faire avancer leurs agendas particularistes sacrifient sans scrupules l’éducation de générations de jeunes mauritaniens.

Aussi, il faut éviter que les questions de langues et d’identité nationale ne prennent le devant et n’excitent les passions ethniques et idéologiques avec un possible retour en arrière comme vient de le montrer les évènements de l’université de Nouakchott. Il n’est pas raisonnable d’enclencher un processus de remise en cause de la réforme de 1999 actuellement en vigueur car le système éducatif ne peut supporter un changement d’orientation tous les dix ans. D’autre part, le dispositif législatif et règlementaire, auquel s’ajoutent les engagements de l’Etat dans le cadre des objectifs de développement du millénaire, offre des repères suffisants pour faire évoluer le secteur dans la bonne direction. Aussi, il parait opportun de décréter une trêve des reformes et se concentrer sur le terrain technique de l’amélioration des ressources et de leur gestion.

L’insuffisance des ressources
Depuis 2001, une loi rend l’école obligatoire pour les enfants de 6 à 15 ans. En plus, dans le cadre des objectifs de développement du millénaire et en contrepartie de l’assistance étrangère, l’Etat s’est engagé à offrir à tous ces enfants une éducation primaire de qualité à l’horizon 2015. Il s’agit d’objectifs ambitieux en référence à la situation actuelle ou la moitié des enfants quittent l’école avant de passer la dernière année de l’école primaire et seuls 26% réussissent à entrer en première année du collège. Des objectifs qui ne peuvent être atteint sans effort financiers exceptionnels surtout que le secteur de l’éducation reste sous-financé.
En effet, la priorité accordée au secteur dans le discours officiel ne se reflète pas au niveau des finances. L’éducation consomme moins de 4% du Produit Intérieur Brut (PIB) alors que la défense engloutit près de 6%. Le financement du secteur représente un peu plus de 18% des dépenses budgétaires courantes hors dette et de 14% des recettes internes de l’Etat . A titre indicatif, pour des pays comme le Mali et le Sénégal, les dépenses d’éducation représentent plus du tiers des dépenses budgétaires courantes hors dette et plus du quart des recettes internes de l’Etat .

Une gestion catastrophique
Bien que nécessaire, la libération de financements additionnels n’aura pas d’incidence positive si elle n’est pas accompagnée d’une stratégie claire d’amélioration de la gestion des ressources, notamment en terme de rationalité de leur répartition entre les sous-secteurs de l’éducation et l’efficacité de leur emploi.

L’enseignement primaire absorbe à lui seul près de 54% du budget de l’éducation nationale (4% de plus que la norme définie par Fast track) contre 17% pour le premier cycle du secondaire, 9% pour les Lycées, 3% pour l’enseignement technique et 17% pour le supérieur.

Aussi, l’enseignement primaire semble bénéficier de financements en adéquation avec la priorité qui lui est accordée. Ses enseignants sont non seulement convenablement payés d’après les standards de l’initiative Fast Track (3,5 fois PIB/Habitant), leur nombre est aussi suffisant et assure un ratio élèves/maitre moyen de 40, inferieur a ceux en vigueur dans des pays à niveau économique comparable.

Le problème se trouve dans l’inégale répartition des enseignants entre les écoles ainsi leur manque de qualifications. Sur les 11000 enseignants en fonction, seuls 2500 ont la capacité ou le potentiel d’enseigner en Arabe et en français. Le reste, plus de 75%, ne dispose pas des minimas de qualifications nécessaires pour enseigner. D’autre part, plus de 7% des écoles n’ont pas d’enseignants et 50% ont un seul enseignant alors que 22% des écoles fonctionnent avec des ratios de 11 élèves/maitres. Les effets de cette situation conjuguées a l’emplacement des écoles qui ne tiennent pas apparemment compte de la densité de la population (50% des élèves résident a plus de 15 mn de leur école, 20% a plus de 30 mn respectivement une heure a deux heures de marche par jour) explique le faible rendement de l’école primaire (pour cent élèves qui rentrent en première année, 50% atteignent la sixième année, 25% sont alphabétisées, 26% passent le concours d’entrée en première année de collège).

L’enseignement secondaire est le parent pauvre du système éducatif. Cela se reflète clairement sur les résultats du BEPC et du BAC. En 2008, 0,3% des candidats au BEPC ont obtenu une moyenne supérieur a 12, 2% une moyenne supérieur à 10 et 5,5% une moyenne entre 8 et 10. Les résultats du Bac sont du même ordre.

Bien que significativement favorisés par la structure de la répartition des dépenses de l’Etat en éducation, les étudiants de l’enseignement supérieur sont mal préparés pour suivre des études de haut niveau. Cela explique l’état délabré de l’université de Nouakchott qui ne réussit pas après 30 ans de vie d’asseoir une crédibilité incontestée dans aucun des domaines de l’enseignement universitaire.

Ce sont là quelque point de ce que je considère au centre de toute discussion sérieuse sur les défis qu’affronte l’école publique mauritanienne et les voies de les surmonter. Je me suis arrêté volontairement aux faits tels qu’ils apparaissent dans un rapport du gouvernement élaboré en 2010 sur l’évaluation du système éducatif. J’espère stimuler un débat que je considère nécessaire pour le progrès de la Mauritanie.