Thursday, May 26, 2011

Interview of Professeur Mohamed Ould Baba par the Quotidien de Nouakchott

J’ai trouvé intéressant de publier cet interview qui, je crois, donne une idée assez précise des défis qui jonchent le chemin de ceux qui veulent contribuer positivement en « terre des hommes.

Quotidien De Nouakchott : Vous êtes entrain de travailler pour l’organisation du concours d’entrée à l’école des mines de Mauritanie. C’est curieux. Il ya quelques jours dans une lettre parue dans la presse, vous avez annoncé votre démission. Êtes-vous revenu sur votre décision ? La démission n’a-t-elle été acceptée ?



Mohamed Ould Baba : Pas du tout. J’ai reçu la lettre d’acceptation de ma démission. Mais, en même temps, monsieur le ministre m’a chargé d’assurer l’intérim jusqu’à la nomination de mon successeur. J’ai pris un certain nombre d’engagements vis-à-vis des parents d’élèves, des élèves et des enseignants pour mener à bien ce concours. C’est en effet une étape importante dans la mise en place de l’école des mines. Il n’y a derrière ma démission, aucune intention de sabotage du projet.

Je tiens à ce que ce projet aille jusqu’au bout, à ce que l’école des mines de Mauritanie réussissent au moins dans l’orientation que lui donne le gouvernement même si cette orientation ne correspond plus à celle pour laquelle je suis venu. Donc j’assure l’intérim. J’ai souhaité continuer le travail de préparation du concours d’entrée en première année pour les élèves et aussi la sélection des professeurs et des techniciens.

C’est un travail que j’ai commencé et j’aimerais bien le finir le 09 juin prochain, sauf si, d’ici cette date, est désigné un successeur. J’ai aussi expliqué au ministre que même dans ce cas, je suis prêt à épauler mon successeur jusqu’à la fin de la tâche entamée.

QDN : Vous n’irez pas au-delà de cette tâche de préparation du concours et de sélection des professeurs ?

Non, je ne le souhaite pas. Je suis démissionnaire. Au-delà du 09 juin, je fais la passation de service

QDN : Vous avez invoquez le déménagement de l’école dans sa totalité comme raison de votre démission. Est-ce la seule?

Je n’ai rien contre Akjoujt, et encore moins contre les gens de l’Inchiri que j’estime et que je respecte. C’est d’ailleurs une très bonne idée de décentraliser de déconcentrer les services, de ne pas les laisser tous à Nouakchott. Cette politique de décentralisation entre dans les cadres de l’aménagement du territoire. Et, c’est positif. Cependant, le projet, tel que je concevais, était de monter une école d’ingénieurs avec un campus dédié à la formation d’ingénieurs à Nouakchott et un centre de technologie minière dédié à la formation de BTS à Akjoujt.

C’était ça le projet, tel que ça à démarré, tel que ç a été acté par les partenaires en présence des membres du gouvernement, solennellement au cours d’une table ronde en septembre 2010 sur le financement de l’école. Ce schéma répondait au souci de l’aménagement du territoire. Le centre de technologie minière, c’est en effet important. C’est trois ans après le baccalauréat, destinée à sortir 30 techniciens supérieurs par an plus un centre de formation d’ouvriers spécialisés.

C’est un peu l’équivalent de ce qui est à Zoueirat et à Nouadhibou. Donc Akjoujt, du point de vue décentralisation, du point de vue aménagement du territoire, était largement servi par ce schéma.

Le campus était destiné à être implanté dans le futur campus de l’université de Nouakchott. L’objectif était de former des ingénieurs pour le secteur minier mais pas uniquement cela. Quand je suis venu, j’ai demandé une audience avec le président de la République, il y a exactement une année. J’étais venu avec un projet d’école polytechnique. Nous ne pouvons en effet pas nous payer le luxe de créer une école à chaque fois que le besoin se fait sentir dans un domaine donné. L’idée était de créer une école d’une taille importante et y ouvrir un département chaque fois que le besoin se fait sentir dans un secteur donné.

C’est une école polytechnique implantée à Nouakchott dans le tissu éducatif national. Le but était aussi de trier tout le système de formation professionnelle, technique et même d’enseignement supérieur vers le haut. On voulait faire jouer ce rôle à l’école d’ingénieurs. Il était donc logique que cette école soit implantée dans l’existant.

Sur un autre plan, je fais partie de ceux qui sont à l’origine des filières d’excellence (Arafat, lycée national et lycée militaire). C’est une excellente idée car le système éducatif mauritanien est complètement délité. C’est un système très étendu et très difficile à reformer rapidement dans le fond. Ca demande beaucoup de temps et de moyens.

L’idée était d’améliorer le système éducatif et de créer à coté une filière avec des moyens importants concentrés sur un nombre d’élèves réduit pour que ça soit une sorte de locomotive qui va tirer tout le reste. On peut imaginer par exemple que pour les lycées d’excellence qu’il y ait des concours chaque année en cinquième, sixième et septième année pour que les autres lycées aient comme objectif d’intégrer leurs élèves dans ces lycées d’excellence.

Et autre chose : si ces lycée d’excellence n’ont pas de débouchés autres que l’université de Nouakchott telle qu’elle est actuellement ou l’étranger, ça serait, au final, un coup d’épée dans l’eau. L’idée était donc d’offrir à ces lycées d’excellence un débouché vers des écoles du même calibre. Ces arguments militent donc en faveur de l’implantation du campus destiné aux ingénieurs des mines là où ces lycées sont en place.

La nouvelle orientation donnée au projet lui fait perdre tous ces aspects. Nous ne pouvons plus prétendre à cette école d’ingénieurs de niveau international qui pourrait accueillir des professeurs étrangers qui viendront facilement donner des cours pour une semaine et repartir. Akjoujt, c’est à 260 kilomètres de Nouakchott, avec une route bitumée, mais l’attractivité de l’école, dans cette ville, prend un sérieux coup.

QDN : Cette filière d’excellence, est ce que ce n’est pas une sorte d’élitisme qui risque de glisser vers une école des riches ?

Je ne crois pas. Et, ça dépend du mode de recrutement de ces lycées. Si cette filière était payante, si elle était seulement réservée aux nouakchottois, oui ça serait de l’élitisme. Je précise que je ne suis pas contre l’élitisme. Je suis contre l’élitisme quand le mode de sélection est basé sur l’argent, c’est à prohiber.

QDN : Sur l’argent ou sur certaines influences….

Oui, sur le pouvoir au sen s large. Mais si un lycée d’excellence fait un concours national basé sur les résultats du brevet avec des centres ouvert dans toutes les régions, je ne vois pas pourquoi on refuse aux meilleurs élèves quelques soient leurs origine sociales, l’accès ce lycée. En améliorant les conditions de tout le monde, on peut mettre le paquet sur un nombre réduit qui nous permettra, dans une dizaine d’années d’avoir un paquet de cadres bien formés, bien outillés scientifiquement et qui représenteront une charpente pour l’administration, l’industrie….

Le mode de recrutement de l’école des mines est basé sur un concours ouvert à tout le monde. Cette année, comme c’est le début, nous n’avons pas eu les moyens d’ouvrir des centres de recrutement dans les régions. Il était prévu que l’on ouvre ces centres pour prendre les meilleurs bacheliers.

Et les meilleurs ne sont pas forcement les plus riches. Je n’ai donc personnellement aucun scrupule à défendre l’idée d’une sélection. Seulement, une sélection basée sur le mérite. Toutes les nations encouragent le mérite. Je crois plus à l’équité qu’à l’égalitarisme. L’essentiel étant de donner les mêmes chances à tous.

QDN : Vous avez trimballé des dossiers de ministère en ministère pour l’ouverture de cette école. Finalement vous démissionnez d’un projet que vous avez porté au début, que vous avez inspiré. Quel sentiment ça vous fait ?

J’avoue que je suis un peu amer. Mais, qu’est-ce que vous voulez ? Je n’ai pas toutes les ficelles. Je n’ai pas pris la décision de démissionner sur un coup de tète. J’ai épuisé toutes les voies de recours. J’ai expliqué que le projet ne prend plus la direction de départ…mais il y a peut être d’autres raisons que la raison ignore. On m’a expliqué que c’est une décision de souveraineté. Je la respecte faute de pouvoir faire autre chose. Je reste dans tous les cas maitre de mes décisions et ce projet ne me motive plus suffisamment

QDN : Vous êtes mauritanien de l’étranger, binational. Cette démission n’est elle pas une sorte de retour manqué ?

Non non, j’ai décidé de revenir en Mauritanie après de longues années d’exil. Ma démission de ce projet ne signifie pas que je vais tirer un trait sur la Mauritanie. J’ai commencé une expérience qui n’a pas été satisfaisante. Je souhaite que le projet, dans sa nouvelle orientation, continue. Une orientation que je ne cautionne pas. Comme il y a des efforts qui ont été consentis, des moyens alloués, j’espère que l’école des mines d’Akjoujt va, rapidement, sortir des ingénieurs. Ca ne sera pas l’école de mes rêves mais je souhaite, j’espère qu’elle réussisse.

Moi, je continuerai mon chemin entre la France et la Mauritanie. Je suis un peu sur ces deux pays depuis un certain nombre d’années. Ma démission n’est pas synonyme de retour manqué. J’ai vécu une année intense dans l’Administration mauritanienne que je ne connaissais pas. C’est une expérience à capitaliser

QDN : Pour les mauritaniens chercheurs et enseignant du supérieur expatriés, votre démission ne sera pas un appel d’air ?

Ecoutez, il y a une année, je suis venu voir le président de la République, c’était au moment ou il avait lancé un appel pour le retour des médecins mauritaniens expatriés. Il m’a laissé entendre qu’il allait faire un appel aux ingénieurs aussi. Je lui ai dit : monsieur le président, c’est une bonne chose mais au lieu d’appeler ces ingénieurs déjà installés à l’étranger avec de bonnes conditions que l’on ne peut leur offrir en Mauritanie, pourquoi ne pas former des ingénieurs Ici, c’est plus facile.

J’ai également expliqué aux chercheurs dont vous parlez que finalement, on peut faire des projets en Mauritanie.

Ma démission va-t-elle décourager ceux qui hésitent à revenir ? Ce n’est pas mon interprétation car je n’ai pas décidé de repartir définitivement. Les retours sont toujours difficiles car, après tout, on revient quand même un peu étranger. Quand on vit longtemps en dehors de la Mauritanie, on ne revient pas indemne comme si on n’était pas parti. Il ya un temps d’adaptation qui peut marcher pour certains et être difficile pour d’autres

QDN : L’école des mines sera en grande partie financée par les industries minières. Comment?

Les industries minières ont besoin de main d’œuvre qualifiée. Actuellement, elles vont chercher cette main d’œuvre qualifiée à l’étranger et ça leur coute cher. Avec les conditions de sécurité, les conditions climatiques, de vie… faire venir un étranger en Mauritanie coute cher. Ces sociétés ont donc intérêt a avoir des nationaux qualifiés. Ensuite ces sociétés minières étrangères ont une obligation de mauritanisation des cadres. Autrement, elles payent des compensations. C’est donc dans leur intérêt qu’une main d’œuvre nationale qualifiée soit disponible. Ces sociétés ont donc dégagé des fonds pour la formation.

Propos recueillis par Khalilou Diagana