Saturday, November 15, 2014

Je me joins à ceux qui demandent la libération immédiate de Biram Ould Abeid

"O les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l'équité: cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. (9) Allah a promis à ceux qui croient et font de bonnes ouvres qu'il y aura pour eux un pardon et une énorme récompense. (10)" Coran, Sourat al-Maida


Je n’aime pas le discours provocateur à relents racistes de Biram Ould Abeid qui a mon avis jette de l’huile sur le feu sur des liens déjà tendus entre les communautés d’un pays fragile, pauvre et mal gouverné comme le nôtre. Mais l’homme mène un combat juste à plusieurs égards, au nom des siens, victimes de l’esclavage et de ses séquelles auxquels le système politico-administratif n’offre pratiquement aucune chance de s’émanciper. Son arrestation par les autorités n’a aucun sens. Je me joins à ceux qui demandent sa libération immédiate.


Lehratin endurent non seulement les séquelles d’un passé esclavagiste sauvage mais aussi l’injustice institutionnalisée du présent qui les privent des sources d’émancipation que sont l’argent et le pouvoir, détenus presque en exclusivité par une élite corrompue largement dominée par les descendants d’esclavagistes. Ils sont très disproportionnellement exclus de l’accès au crédit bancaire, à la propriété des terres, et aux nominations aux fonctions publiques, qui sont les principales sources d’enrichissement et de réalisation dans notre pays. Ils sont peu nombreux dans la fonction publique et quasi-absent dans les patrons d’industrie et de la finance et des grands propriétaires terriens, non pas pour des raisons objectives liées a leur marginalisation historique mais simplement parce que depuis le milieu des années 80 l’accès aux emplois supérieurs de l’Etat, au crédit et a la propriété des terres n’obéit a aucun critère autre que la proximité aux sphères de décision à travers les affiliations tribales et régionales, et subsidiairement le clientélisme politique, pratiquement la seule voie offerte à Lehratin. La correction de ce déséquilibres en leur faveur n’est pas sur l’agenda de ceux qui nous gouvernent car elle ne peut se faire qu’au détriment de l’élite qui ne doit sa fragile cohésion qu’à l’exclusion des autres, même au sein de l’ethnie dominante, tant le gâteau se rétrécit d’année en année pour cause de gabegie, étroitesse d’esprit, et contraintes économiques.


Le cas du crédit et des terres agricoles est à ce titre révélateur. L’irrigation des vastes terres de la Chamama rendue possible par les ouvrages de l’Organisation de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et la disponibilité des crédits agricoles financés a cout de milliards par les bailleurs de fonds auraient pu permettre d’accroitre la productivité agricole et créer une petite bourgeoisie rurale et péri-urbaine dans la communauté des Lehratin, traditionnellement laborieuse et aux faits des métiers de l’agriculture. Au lieu de cela, les crédits et les terres ont été attribuées aux commerçants et hauts fonctionnaires suivant la même logique népotiste qui excluent de fait Lehratin peu représentés aux hautes sphères de l’Etat. Le résultat est un gâchis énorme de ressources et une stagnation du secteur agricole malgré des investissements massifs et une réforme foncière progressiste.


Ceux qui ont créé cette situation socialement intenable et œuvrent a sa continuité se murent dans le refus de l’évidence au risque de saboter l’avenir et d’emporter avec eux l’équilibre fragile sur lequel s’est construite la Mauritanie indépendante. Ils continuent à piller en silence les maigres ressources de ce pays, éduquent leurs enfants dans des écoles privées et s’achètent des villas à l’étranger. Pendant ce temps, le cercle vicieux de la pauvreté et l’ignorance se referment sur les plus pauvres en majorité Haratin faute de ressources publiques affectées effectivement aux services de base d’éducation, de santé, d’hygiène et de police. Vouloir étouffer les voix qui protestent contre cette la condition est une stratégie vouée à l’échec. Que ceux qui ont en charge la gestion de ce pays prennent conscience avant qu’il ne soit trop tard.

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