L’initiative du Parti des anciens Kadihines mérite encouragements et soutiens.C’est une tentative courageuse de débloquer une situation figée ou les différents protagonistes refusent de trouver un compromis susceptible de faire évoluer le pays vers un meilleur état. Nous devons absolument rompre « la logique de Hama », une formule utilisée par Friedman, l’un des célèbres journalistes américains, pour expliquer la manière radicale dont les sociétés régies par une mentalité tribale résolvent les conflits et situations de crises. Suivant cette logique qui a fait dire a Feu Bourguiba «la démocratie, c’est ôte toi de la que je m’y mette », en matière de pouvoir, le compromis n’existe pas. Le fort ne sent pas son besoin parce qu’il peut écraser a volonté son faible adversaire. Le dernier n’y voit aucune opportunité car « de toute façon a quoi cela va servir ». Nous devons rompre avec cette logique contraire à toute volonté sérieuse de construire un Etat de Droit et une société respectueuse des différences porteuses de richesses. L’histoire montre que le progrès est le plus souvent une affaire de compromis, de petits pas, de goûtes qui un jour font éclater le vase. Rompre avec cette logique nécessite un changement significatif dans l’attitude et le comportement de l’Etat et son Chef, le parti du plus fort, celui qui généralement, imbue de sa suprématie et de sa puissance – et donc de son bon droit - ne sent pas le besoin du dialogue et du compromis. Le Pouvoir doit lâcher du lest et montrer, clairement et par des actes, une volonté de partage des responsabilités et des bénéfices. En particulier, il ne doit pas décevoir ceux qui lui tendent la main. Ceux qui tendent la main doivent le faire avec dignité et un sens élevé de l’intérêt général. Nous souffrons malheureusement de l’absence d’une expérience positive dans ce domaine. Tant d’opposants, dans notre pays, ont tendu la main pour s’assurer une place aussi petite soit elle sur le siège, oubliant au passage les valeurs qu’ils avaient professées et les citoyens qu’ils ont abusés. Le résultat est aujourd’hui que le discours n’émeut plus et le militantisme se confond avec le carriérisme. L’initiative des amis de Ould Mouloud et de Bedredine ne mérite d’être encouragée que si elle rompt avec ces habitudes fâcheuses de la classe politique nationale. Je leur accorde quant à moi le bénéfice du doute et leur souhaite beaucoup de succès. Un aboutissement heureux ouvrira des perspectives nouvelles de paix, de partage et de confiance. Un échec enfoncera davantage notre pays dans le cercle vicieux de la confrontation, de l’exclusion et de la « déchéance» politique. J’essayerai de développer dans les paragraphes suivants certaines idées qui a mon avis sont a centre de ce qu’on pourrait légitimement attendre de cette initiative.
Elargir et diversifier la représentation nationale
Le Chef de l’Etat a évoqué dans son discours de Kiffa la nécessite du contrôle populaire. Ce dernier ne sera effectif que si les differentes tendances politiques exprimant le spectre des multiples aspirations du peuple sont représentées aux niveaux national et local. Le Gouvernement devra convaincre de sa volonté de mettre en place les dispositifs nécessaires a une transparence des élections prochaines au moins égale a celles des élections municipales et parlementaires de 2001. La loi électorale mérite aussi d’être toilettée. Elle favorise les grands partis et accorde un poids démesuré aux départements peu peuplés. Un rééquilibrage parait opportun vers une plus forte dose de proportionnelle dans l’élection des députés et des conseillers municipaux et une réduction des membres del’Assemblée Nationale élus au niveau départemental. Comme exemple, la loi peut accorder un député seulement pour les départements de plus de 30000 habitants, et appliquer la proportionnelle intégrale pour pourvoir le reste des sièges del’Assemblée Nationale.Le nombre des grands électeurs qui nomment les sénateurs devra aussi être multipliées pour inclure des éléments représentants le terroir. Je pense en particulier aux chefs des collectivités traditionnelles (tribus, villages et adwabas). Cela est plus conforme a l’esprit du Sénat tel qu’institué par la constitution française qui inspire fortement notre Loi fondamentale.
Ouvrir et libéraliser les medias
Le Chef de l’Etat s’est semble t il plaint d’être mal informé. Il devrait demander des comptes à ses services qui ont étouffé dans l’œuf l’embryon de presse qui s’est formé au lendemain de la promulgation de la loi sur la Presse. Si l’article 11 de cette dernière n’existait pas, la presse écrite aurait atteint aujourd’hui un seuil de crédibilité irréversible. Le Chef de l’Etat n’aurait alors pour avoir une idée des réalisations de son Gouvernement et de l’état de l’opinion que de se doter d’un bon service de presse capable de lui faire une synthèse complète de ce qui est écrit. Il faut abroger l’article 11 et supprimer toute subvention publique directe ou indirecte, formelle ou informelle à la Presse écrite. La demande locale et l’offre publicitaire devraient suffire à créer un nombre suffisant de journaux qui permettent une meilleure circulation de l’information écrite. L’Etat pourrait conserver une Radio et une Télévision nationales mais la libéralisation du secteur de l’audiovisuel est opportune au moment ou le Chef de l’Etat appelle à la modernisation du pays. Le développement de ce secteur sera le reflet de notre modernité, de la capacité de notre pays à assumer et intégrerles nouvelles technologies de communication. C’est un secteur du futur qui assurera l’emploi et la promotion d’une partie non négligeable de nos jeunes diplômés.
Améliorer le rendement de la Fonction Publique
La politique ne peut a elle seule résoudre les problèmes d’un pays mal administré ou l’Etat souffre de dysfonctionnements notoires a tel point que son Chef se plaint de la non application de ses directives. Il faut dire qu’au moment où les institutions publiques manquent cruellement de ressources, des hauts fonctionnaires vivent dans un luxe insolent au vu et au sude tout le monde sans que cela ne suscite qu’envie et jalousie. Chacun voudrait être à la « bonne place » et personne ne songe au caractère illicite et immoral de ces comportements totalement contraires aux valeurs islamiques supposées être celles de notre société et de son encadrement politico administratif. Il ne sera pas facile de changer un caractère si profondément répandu et encré dans le fonctionnement des administrations publiques. Il est cependant difficiled’imaginer une amélioration significative de l’efficacité de l’Etat sans mettre fin à l’hémorragie des ressources résultant de la corruption, des détournements de fonds publics et du trafic d’influence.Certains disent que l’ancien directeur des Domaines, précédemment directeur du Trésor a voulu mettre de l’ordre dans ces deux structures, au centre du gaspillage de la ressource publique. Il a été rapidement remercié. Je ne suis pas sur de la fiabilité de la source mais je sais qu’au commencement de la reforme se trouve l’appui et le soutien aux incorruptibles du système. Ceux qui, contre vents et marées, refusent de se salir tout en continuant à donner le maximum d’eux même au service public national. J’ai rencontré l’un d’eux qui était en mission à New York. J’ai été frappé par sa lucidité et son sens du devoir. Il est docteur en économie mais parait sous utilisé dans un département qui a pourtant besoin de compétences, le Ministère des Finances. Apres le soutien systématique aux incorruptibles du système, vient la phase de l’action systémique de reforme en profondeur visant a faire de l’agent public un fournisseur de services, compétent et motivé, et de l’autorité de l’Etat une source de sécurité et de justice. Plusieurs variables sont en jeu mais l’une d’elle me semble plus importante que les autres. La remunération, et plus généralement le traitement global des fonctionnaires, est très en dé ça du minimum vital. Au moment où notre pays alloue des ressources considérables à la lutte contre la pauvreté, on comprend mal qu’on passe sous silence l’indigencede la majorité de serviteurs de l’Etat et leur incapacité chronique à faire face a leurs échéances.
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