Monday, October 26, 2009

Chasser le naturel, il revient au galop

Le Président de la République a été élu par une majorité confortable de Mauritaniens auxquels il avait tenu durant la campagne électorale un discours singulier sur la gabegie et ses symboles. Le Chef de l’Etat promettait de sévir avec vigueur contre tous ceux qui ont participé a l’entreprise de sape organisée dont notre pays est victime depuis plusieurs décennies. Sa victoire a montré qu’il lit mieux que ses opposants les aspirations du peuple mais l’a accablée, cependant, de la lourde responsabilité d’être a la hauteur des espoirs qu’il a suscitée chez des populations habituées trop souvent a être le dindon de la farce.

Moins de trois mois après son investiture et malgré les tentatives de bousculer les habitudes (financement de la campagne agricole, mis en arrêt des voitures de service, réactivation de l’inspection générale, déclaration sur le népotisme), on sent déjà l’essoufflement du discours et l’odeur de l’armistice avec des roumouz dont la détermination a revenir sur les devants de la scène ne semble avoir d’égale que leur formidable capacité a s’adapter a tous les gouvernants. Si cette tendance se confirme, le Président de la République y perdra du crédit et les nouvelles autorités s’enliseront rapidement dans la routine du statuquo avec ses risques de déstabilisation au sommet et de souffrances pour les démunis.

Les dernières nominations à la Présidence et dans nos chancelleries à travers le monde ont l’odeur du déjà-vu. Un retour à la vieille tradition de la récompense de ceux qui sont sensés aider le Président de la République à consolider son pouvoir comme si celui-ci avait besoin d’un extra de légitimité autre que celui tiré de la symbiose avec le peuple qui l’a élu au suffrage universel direct, sans interférence de ceux qui se sont autoproclamés « grands électeurs » après avoir été grands prédateurs des biens publics.

Dans les usages en vigueur dans les pays bien gouvernés, les postes d’ambassadeurs vont soient aux amis politiques du Président de la république pour les grandes ambassades ou les liens étroits avec le Commandant en chef sont bien appréciés et constituent un gage de réussite, ou aux hauts fonctionnaires du Ministère des Affaires Etrangères pour les ambassades de moindre importance ou seul compte les routines de la représentation diplomatique. Seul Ould Brahim Khlil et dans une moindre mesure ambassadeur Bal répondent à ces critères.

Le reste n’est que recyclage du passé. Ould Taya distribuait les portefeuilles ministériels aux plus zélés de ses partisans sans aucun regard pour la fonction, ni celui qui l’occupe. La tradition voulait qu’un ancien Ministre devienne ambassadeur pour se soigner ou se reposer en attendant la disgrâce ou un rappel pour une fonction supérieure. Le travail diplomatique n’était pas la priorité. C’est ici que réside le problème de la diplomatie mauritanienne, son inefficacité et son manque de dynamisme. Nos ambassadeurs paraissent désœuvrés, isolés socialement dans leurs pays d’affectation, ne réussissant que rarement à surmonter les barrières de la langue et de la culture de leur société d’accueil et peu intéressés par un quelconque travail diplomatique en profondeur. Le fait que le Président de la République reconduise les mêmes n’est pas un bon signe pour cette Mauritanie nouvelle à laquelle il appelle depuis qu’il a pris son bâton de pèlerin pour fustiger les voleurs des biens publics et dénoncer l’exclusion dont est victime la majeure partie de ses concitoyens.

Une nomination sort du lot. Celle de Ould Rzeizim, préfet, gouverneur et ancien ministre et l’un des leaders charismatique du FNDD. Sa nomination comme ambassadeur de la République Islamique de Mauritanie à Addis-Ababa sera perçu, qu’on le veuille ou non, comme un retour de l’ascenseur à celui qui a validé l’élection du 18 Juillet 2008. Elle ne sert ni le Président de la République et n’honore pas le nouvel ambassadeur. Elle jette du discrédit sur le FNDD et particulièrement ADIL dont le Chef s’est empressé de se féliciter de cette nomination en la qualifiant de bon pas dans la bonne direction. Elle ne peut s’inscrire que dans cette démarche bien connue de chez nous qui consiste a débaucher tout opposant prêts a négocier son allégeance en contrepartie d’une de ces faveurs dont le Pouvoir seul a le secret et le monopole. Elle ne peut procéder d’une stratégie d’ouverture sérieuse sur une opposition qui cherche encore ses marques après une défaite qu’elle n’a pas pour le moment réussit à digérer.

Pouvoir et Opposition doivent se reconnaitre mutuellement avant d’entamer un dialogue ouvert et franc sur les principes et procédures du renforcement de la démocratie et l’Etat de droit et l’instauration d’un système rational et équitable qui permet l’inclusion de tous dans l’œuvre de construction nationale. Nos hommes politiques doivent accepter le risque qui découle de toute entreprise humaine et s’attendre à cette malédiction en « terre des hommes » qu’est la traversée de désert en cas de défaite. Ce retrait de la gestion des affaires est nécessaire pour méditer, revoir sa copie, se ressourcer et prendre du recul pour se préparer aux futurs combats électoraux et proposer une alternative crédible au pouvoir en place.

Lembrabott Ould Sidi Mahmoud, ENArque de son pays, plusieurs fois Ministre, recherché par la justice française pour témoigner dans une affaire de torture d’un opposant politique, est nommé chargé de mission à la Présidence. Sa réhabilitation soulève des interrogations sérieuses sur les intensions des autorités actuelles et le sens qu’elles donnent à la gabegie et ses symboles largement dénoncés par la rhétorique officielle.

La Mauritanie pays pauvre mal gouverné ne peut sortir du cercle vicieux de la misère et du sous-développement que par une action volontaire et soutenue des autorités constitutionnelles légalement élues visant une rupture totale avec la manière dont sont gérées les institutions de l’Etat depuis plusieurs décennies. L’Etat ne peut continuer indéfiniment à jouer le rôle de vaches à lait que lui prescrivent ceux qui en profitent en exclusivité. Il doit rationaliser, réorienter et concentrer son action sur les domaines prioritaires. Un chantier de reforme difficile et couteux en terme social qu’il ne peut enclencher que si ceux qui occupent le devant ont des visages qui inspirent au moins la confiance de celui qui a le bénéfice du doute.

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