Saturday, October 3, 2009

Oui M. le President, mais...

Published by Forum Diaspora Avril 2006
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Il est quelque peu surréaliste d’entendre le Chef de l’Etat discourir sur les bienfaits de la vertu et les méfaits de la corruption devant un parterre de hauts fonctionnaires et de membres de la société politique et civile et du monde des affaires dont certains comptent parmi les plus corrompus/corrupteurs et les plus impliqués dans l’entreprise criminelle de sape des institutions publiques et de destruction de la valeur. Il n’en demeure pas moins qu’il y avait dans les mots de celui-ci un accent de sincérité et une volonté d’action qui ne peut qu’intéresser tous ceux qui veulent du bien pour ce pays meurtri par les agissements irresponsables d’une partie importante de son élite.

Le Chef de l’Etat a exprimé les pensées profondes et les aspirations de la majorité du peuple se mettant ainsi en phase avec l’élan d’espoirs suscités par la révolution de palais qui l’a porté au sommet en ce jour du 3 Août 2005 que beaucoup souhaitent être une rupture radicale avec le passé plutôt que d’une simple recomposition des cercles dominants. Mais le Chef de l’Etat a besoin de plus pour convaincre dans ce pays du million de poètes ou les mots ont perdu beaucoup de leurs effets magiques depuis que l’apologie et le mensonge font office de communication publique et que le commun des mortels observe l’écart important entre ce qui se dit et ce qui se fait. Chacun a encore en mémoire tous ces discours « historiques », le dernier étant celui de Kiffa ou l’ancien Chef de l’Etat avait soulevé des espoirs en faisant une critique sans appel du système chargeant son administration de tous les maux et promettant des reformes qui ont tardé a venir.

Il n’ y a pas mieux que le langage de la vérité pour convaincre et de ce point de vue on a été régalé. Nous avons désormais la conviction que le sommet comprend les défis qui se posent à notre pays mais nous sommes restés sur notre faim s’agissant des actions concrètes à entreprendre pour relever ces défis. A part des déclarations de principes, bien évidemment bienvenues, comme «désormais, les nominations se feront sur les seules critères de la compétence et de l’intégrités aux valeurs nationales », « les structures de contrôles seront renforcées et mobilisées… », Rien de vraiment précis n’est venu répondre à cette question lancinante et cruciale, comment notre pays va-t-il neutraliser « cette élite de voleurs » qui porte atteinte à son image et l’empêche de se developer ? Comment l’Etat compte en finir avec l’impunité, le clientélisme, le tribalisme et le gâchis de ressources constitué par ces centaines sinon milliers d’employés totalement ou partiellement improductifs et de ces nombreuses structures administratives consommatrices de ressources dont l’utilité est loin d’être établie ?« Il est inadmissible que les médiocres soient à la place des meilleures, que les voleurs soient des héros et que la trahison soit une vertu » Le vol et la trahison ne sont pas des éléments fondateurs de la culture mauritanienne. Ils sont le produit d’une action délibérée des pouvoirs publics qui ont laissé se développer dans la durée une culture de l’impunité qui a fini par donner l’impression au commun des citoyens, peu au fait des mécanismes de fonctionnement de l’Etat, qu’il n’ y avait rien d’immoral ni d’illégal à se servir à volonté des lors qu’on en a les moyens. Ceux qui profitaient le plus de ce système s’attachaient à élargir la population des bénéficiaires pour diluer les responsabilités et enraciner l’idée qu’il s’agit d’un mécanisme régulier de distribution des revenus. Les critiques sont volontiers invités à la table et leur refus de se joindre est un crime de lèse majesté punissable par la privation prolongée des sources de subsistance. Le peuple et la société ne sont pas à blâmer. La majorité de celui-ci souffrait en silence et ne sachant quoi faire cherchait refuge dans des solidarités traditionnelles largement manipulées par les sbires du système. Une partie de la société et son élite ont refusé et même combattue cette entreprise criminellede suicide collectif au prix, parfois, d’énormes sacrifices. Le réquisitoire du Chef de l’Etat leur donne raison. Ils doivent aujourd’hui être réhabilité. Le blâme doit se concentrer sur ceux auxquels le crime a profité et qui restent pour une large part maître du jeu. Aujourd’hui, il revient au Chef del’Etat et son Gouvernement de réparer les torts et d’insuffler une bonne dose de vertu et de professionnalisme dans la gestion des affaires publiques. Il ne tient qu’a eux d’écarter les médiocres et de promettre les meilleurs, la constitution est claire a ce sujet. Le Chef de l’Etat nomme aux emplois civils et militaires de l’Etat. En procédant ainsi, leur stature morale culminera et on verra bien d’où viendront les résistances.

A la lumière de ces propos du Chef de l’Etat, il est difficile de comprendre les dernières nominations aux affaires étrangères et le maintien en place d’un Gouvernement qui brille par l’inaction et le manque d’imagination et de créativité. A part Habib Ould Hemett, la révélation, pour ceux qui ne le connaissaient pas, de la transition selon plusieurs observateurs et Mahfoudh Ould Bettah qui lutte pour faire passer des reformes difficiles dans un département essentiel gangrené par la corruption, les autres membres du Gouvernements se complaisent dans la gestion de la routine. Les deux Ministres précités ne font pas parti de ceux auxquels le crime a profité et il est difficile de croire que le pays manque d’hommes et de femmes de leur carrure. « Ces mécanismes et outils de contrôles seront redynamisées et des moyens humains leur seront accordés pour en améliorer les performances » Par ces mécanismes, le Chef de l’Etat se réfère aux inspections internes de contrôles, crées il y a une dizaines d’années, au sein de chaque départements, par une instruction générale du Premier ministre élaborée par le Bureau Organisation et méthodes du Secrétariat Général du Gouvernement et qui sont restées peu ou pas opérationnelles depuis leur création. Leur réhabilitation parait a priori une bonne chose surtout si elle a déjà permis « de recouvrer des centaines de millions d’UM dépenses dans l’illégalité » comme le révèle le Chef de l’Etat. Au juste qu’en est advenu des responsables de ces « dépenses dans l’illégalité » ? Ont-ils répondu de leurs actes ? Ont-ils été punis ?

Les inspections internes, l’inspection générale des finances, l’inspection générale d’Etat, et la Cour des Comptes sont des structures de contrôles aposteriori qui ne peuvent pas éviter une irrégularité mais simplement la constater après qu’elle ait lieu. Leur efficacité réside dans l’aspect dissuasif de la peine encourue par les contrevenants et les conseils qu’ils peuvent fournir aux administrations pour améliorer le contrôle interne. Il n’ y a pas d’indications claires sur les mécanismes de coopération entre ces différentes structures de contrôle et il est à craindre qu’il s’agisse d’un éparpillement de ressources rares préjudiciables aux performances et à la qualité de ce type decontrôle.

Le contrôle interne, qui permet d’éviter a priori les malversations financières, par les multiples vérifications exercées par les administrateurs de crédits et les comptables publics doubles n’a pas été cité par le Chef del’Etat et c’est probablement dans ce domaine que les habitudes doivent changer.« Les pouvoirs publics observeront, en matière de choix des responsables les critères de probité et d’engagement en faveur de l’Etat mauritanien »Il est de notoriété publique que les comptables publics, agents du Ministèredes Finances, placés auprès des administrations pour s’assurer de la régularité de la dépense publique, sont un maillon essentiel de la chaîne de corruption et de détournement des deniers de l’Etat. Un décret organisant ce corps vient d’être pris en Conseil de Ministre. Ce texte devrait consacrer de nouvelles normes en terme de qualifications et de probité morale pour relever le niveau de compétences des comptables publics et les prémunir contre les comportements préjudiciables a l’intérêt public. En particulier, ce décret devrait abroger une dérogation vieille d’une dizaine d’année qui permet à des agents de catégorie C et B, niveau Bac et moins, d’être nommés comptables publics. Cette dispositionn’a pas été abrogée comme si l’Etat ne peut se passer des services de ceux qui l’ont le plus pillé.

« Il est impossible que le peuple mauritanien ait confiance en son pays si l’administration demeure tels que je les ai décrits tantôt »Oui, Mr le Président. Il ne tient qu’à vous et à votre administration de susciter cette confiance par des signes forts et une action vigoureuse susceptibles de nous convaincre que le pays est désormais dans de bonnes mains et que le temps de l’injustice, de l’exclusion, du gâchis et de l’impunité est a jamais révolu.

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