J’ai été interpellé par l’interview que le sénateur de Rosso a accordé au Calame et dans laquelle il a exprimé des propos peu amènes a l’égard du Président de la République l’accusant, d’avoir remis en scelle les caciques du défunt PRDS comme prélude a la restauration du Parti-Etat, rompant, ainsi, « le contrat politique et moral » qui lierait le Chef de l’Etat a un certain « nous » indéfini, le sénateur s’étant représenté indépendant, on ne lui connait pas d’affiliation politique autre que celle qu’il avait quitté avant de soutenir le candidat Sidi Ould Cheikh Abdellahi. Même si on convient pour la forme que le « nous » représente une faction dont Mohcen serait le porte parole, le seul contrat qui lie le Président de la République est celui qu’il a avec le peuple qui l’a élu sur un programme défini et a travers des élections que personne n’a contesté et qui ont été, en leur temps, citées comme exemple de transparence et de sérieux.
Les propos de Mohsen auraient passé inaperçu dans l’ambiance de fronde actuelle, tout à fait compréhensible dans une dynamique politique qui n’est pas encore stabilisée, s’il ne venait d’un homme qui entretient une relation privilégiée avec le General Mohamed Ould Abdel Aziz, le Chef de l’Etat major particulier du Chef de l’Etat. Une manière volontaire ou non de sa part d’accréditer la thèse d’une tension au sommet entre ce dernier et le Président de la République sur laquelle jasent le microcosme politique mauritanien, apparemment incapable d’imaginer une grille de lecture autre que celle de la lutte des clans pour la sauvegarde des privilèges. J’ai bien peur que ses propos ne soient interprétés comme une immixtion des chefs militaires dans le jeu politique, auquel cas je ne crois pas qu’en agissant de la sorte, il sert celui qui lui a donné voix au chapitre, et la contribution de ce dernier a l’édification d’un Etat mauritanien fort et démocratique.
J’ai beaucoup de respect pour le General Mohamed Ould Abdel Aziz et je crois que la Mauritanie lui doit beaucoup pour avoir été l’un des principaux instigateurs du coup du 3 Aout 2005 et celui qui a dit non a la tentative des amis du Colonel Ely Ould Mohamed Vall de capoter la transition vers la démocratie. La classe politique ne lui a pas été reconnaissante. Pour beaucoup, il est devenu le bouc émissaire, tant tôt pour avoir empêché Ahmed Ould Daddah d’accéder a la magistrature suprême, tant tôt pour avoir privé un tel d’avoir les faveurs du Chef de l’Etat. Son limogeage est pour certains la condition sine quoi non d’une reprise en main réelle de la Présidence par son occupant légitime. Le Président de la République l’a élevée au rang de General et étendu ses attributions militaires. Ce n’est que justice pour un officier brave qui a eu le courage d’agir au moment opportun, non pour s’accaparer le fauteuil présidentiel comme c’est la coutume mais permettre a la Mauritanie d’en finir avec la dictature et d’inaugurer une nouvelle phase de son développement avec l’organisation de consultations électorales dont la transparence et la crédibilité sont données comme exemples a travers la planète. Un acquis qui nous permet, aujourd’hui d’envisager l’avenir avec sérénité et de jeter aux oubliettes de l’histoire les mesquineries de l’ère ante démocratique.
La sauvegarde de cet acquis revient, cependant, aux autorités actuelles et a la classe politique dans son ensemble pour éviter que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on en revient aux pratiques de la gabegie et du laisser aller qui ont marqué le règne des Chefs militaires. Si le 03 Aout 2005 a un sens, il marque la fin a jamais de l’implication directe ou indirecte de ces derniers dans le jeu politique. Le métier des Chefs militaires est de s’occuper de l’Armée pour en faire une institution républicaine capable de faire face aux défis majeurs de sécurité. C’est une tache ardue qui requiert leur total attention. Toute immixtion de leur part dans les joutes politiques est un facteur d’instabilité et une ponction sur leur crédibilité et leur capacité à produire des résultats satisfaisants qui peuvent justifier, aux yeux de l’opinion, l’énorme charge financière qu’ils induisent sur le budget de l’Etat.
C’est au Président de la République que revient la charge de nommer et de démettre les membres du Gouvernement. Il a jugé opportun de faire appel à des politiques, c’est son droit et c’est opportun depuis que le premier Gouvernement formé de soi-disant technocrates a été incapable de faire face aux échéances. Des innovations ont été observées dans la forme. Le Premier ministre est le président du plus grand parti de la majorité, avec pas moins d’une cinquantaine de députés. Ceux qui s’agitent aujourd’hui auraient été plus crédibles s’ils avaient claqué la porte a ADIL des le début et refusé le leadership de celui qui deviendra plus tard le Chef du Gouvernement. Les partis politiques ont discuté et négocié leur entrée au Gouvernement. Trois des principaux partis d’opposition au régime de Ould Taya font désormais partie de la majorité présidentielle. Ceux qui leur en veulent, le font par mauvaise fois ou par calcul politique. L’opposition n’est pas une fin en soi et l’objectif ultime de toute formation politique est l’entrée au Gouvernement. D’autres ont fait le choix de rester dans l’opposition, c’est tout a leur honneur. Ils seront rejoints par tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans la manière dont ce pays est gouverné, c’est leur droit le plus absolu. La recomposition du paysage politique tant attendue est en marche et ce n’est que justice pour ce pays qui a trop longtemps croupi sous le régime de la contrainte et des ralliements forcés. C’est de l’avis de tout démocrate sincère un grand pas en avant dans la normalisation de la scène politique et la création des conditions idoines pour un fonctionnement serein des institutions républicaines.
Dire qu’il s’agit d’un retour à la période d’avant le 03 Aout 2005 est quelque peu exagéré et simpliste. Il est vrai que ceux connus désormais sous le label de Roumouz Alvessad y occupent une place de choix mais c’est naturel depuis que ces derniers se sont recyclés en grand électeurs courtisés par les autorités militaires de transition, les partis politiques et les différents candidats à la Présidence de la République. La classe politique dans son ensemble a jugé nécessaire pour la stabilité du pays de tourner la page et oublier, sans aucune forme de procès, les agissements de ceux qui ont durant longtemps pillé les ressources et pervertit les valeurs. C’est injuste, moralement répréhensible, économiquement suicidaire, mais seules les voix marginales comme la mienne se sont élevées, en son temps, pour dénoncer une amnistie porteuse de germes d’instabilité, et d’appels ouverts a la récidive. Les leaders et les faiseurs d’opinion comme le sénateur Mohcen ont préféré, chacun pour des raisons particulières, l’amnésie et ce qui en découle de fait un rapport de force sur le terrain qui consacre l’hégémonie des Roumouz Alvassad sur la politique. Demander à un gouvernement démocratiquement élu de faire ce que d’autres ont été incapable de réaliser par la force des armes, est tout simplement irréaliste. Les autorités militaires de transition ont ménagé avant de copter les symboles les plus visibles de la gabegie.
On prête au Président de la République d’avoir exprimé sa volonté de ne pas gouverner avec les Roumouz. Il a essayé en nommant un premier gouvernement ou on a fait appel a des inconnus, de la jeunesse éduquée, qui se sont avérés être des bons a rien, peu représentatifs et inefficaces. Ce débat est aujourd’hui dépassé. Tout le monde sait que les moufsidin sont partout et il va falloir faire avec. L’essentiel est de s’assurer que désormais des mécanismes sont mis en place pour lutter contre la gabegie et la corruption. C’est un travail titanesque qui demande l’implication de tous les acteurs et la fin de l’impunité. C’est sur ce dernier point que le Gouvernement de Yahya Ould Waghef doit être jugé, avec une présomption de bonne volonté. Vouloir l’empêcher de gouverner par une motion de censure avant même qu’il ne fasse preuve se son incompétence sera une défiance non justifiée du législateur a l’exécutif qui impliquera automatiquement la dissolution de l’Assemblée Nationale et l’organisation d’élections législatives anticipées. Un scenario qui emportera le dernier des bonnes réalisations de la période de transition, à savoir une Assemblée Nationale de large représentation, contrairement a un Senat ou l’élection a été truquée par l’intrusion de l’argent et l’achat des conseillers municipaux.
D’ailleurs, il est dommage que l’Etat dépenses des sommes importantes pour entretenir une institution comme le Senat dont l’utilité est fortement mise en cause et le mode d’élection carrément biaisé au moment ou les professeurs de l’enseignement secondaire réclament la modique somme de 30000 Um pour reprendre le travail et ou des administrations publiques de haute importance cherchent désespérément des moyens financiers qui leur manquent cruellement, je pense a ces nombreux médecins que la Fonction publique ne peut pas recruter faute de fiches budgétaires alors que la couverture sanitaire reste très en deca du minimum acceptable. Mais il s’agit la de questions qui ne sont pas a l’ordre du jour, la classe politique qui compte étant plus intéressée par qui perd et qui gagne dans la répartition du gâteau des nominations. Bonne chance a tous et particulièrement a celui qui a la lourde charge de montrer qu’on peut faire du mieux avec du vieux dans un environnement politique et social marqué par le scepticisme, voire le cynisme.
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