Monday, October 5, 2009

Des elections parlementaires

Pour la formation d’un Gouvernement de sortie de crise et de renforcement de la démocratie.

Avec le changement intervenu le 3 Août 2005 a la tête de l’Etat, les dernières élections municipales et parlementaires constituent une avancée significative sur la voie de la normalisation et de la décrispation de la scène politique. Pour ceux d’entre nous qui aspirent à une Mauritanie réconciliée, ou le dialogue l’emporte sur la confrontation, l’inclusion sur l’exclusion, et la recherche de solutions concrètes aux problèmes sur la fuite en avant vers l’abîme, le rêve n’est plus du domaine de l’impossible. La démocratie est en marche et si l’expérience continue les citoyens se feront de mieux en mieux entendre infusant le bon sens populaire dans la formulation et l’exécution des politiques publiques et mettant en garde ceux que la charge publique tend à transformer en despotes corrompus et inefficaces contre leurs penchants naturels a l’abus. A terme, il est permis d’envisager l’adaptation de la classe politique a cette donne et l’émergence d’une élite politico administrative et économique digne de ce nom, respectueuse des aspirations des populations et ayant suffisamment de créativité et d’entrepreneurs hip pour résoudre leurs problèmes.

La qualité de cet ajustement et le temps qu’il prendra dépendront, néanmoins, en grande partie, de la capacité de ceux fraîchement investis d’une légitimité populaire incontestable de dépasser les déterminants de cette investiture et se projeter dans leur nouveau statut de représentants de la collectivité nationale et défenseur des ses intérêts pour créer les conditions d’une rupture totale avec la manière dont le pays est gouverné depuis l’indépendance et surtout depuis que les chefs militaires se sont décrétés « dépositaires en dernier recours de la légitimité nationale » et ont propulsé a la tête de l’Etat un officier, sans charisme, qui a su, a l’aide de ses conseillers et parrains, exploiter, avec une facilite déconcertante, les instincts de survie et de domination qui existent en chacun de nous, pour se maintenir au pouvoir et permettre a ses laudateurs et courtisans de piller les ressources de l’Etat et saper le peu de crédibilité que les institutions publiques ont acquis durant les premières années de leur existence. Pour rompre avec une logique de gouvernement qui maintient, par l’ignorance et la domestication, les populations a l’écart des formidables transformations qu’a connu le monde ces deux dernières décennies en terme de création de richesses et de développement humain et technologique, et, dans le même temps, permet a une minorité influente d’affairistes de faire main basse sur l’économie nationale par le biais de la corruption à grande échelle, la prébende et les passe-droits. Pour en finir avec la culture de l’arbitraire qui confond, a dessein, impunité et tolérance, assimile l’exigence de justice aux règlements de comptes et prescrit l’oubli et « le pardon » comme seul remède a la crise de confiance qui mine les institutions publiques et les relations entre les différents groupes et segments de la société. Enfin, pour concevoir une formule juste et équitable pour régler les passifs lourds laissés en suspens, comme des épées de Damoclès, qui hypothèquent sérieusement la capacité de notre pays à reconstruire son unité sur un système efficient de valeurs et de comportements.

Le moment est critique et commande aux politiques un dépassement de soi inconnu auparavant comme d’ailleurs l’est la transparence des élections qui a porté ces derniers sur le devant de la scène. La capacité des mauritaniens à s’ajuster positivement aux exigences de la vie communautaires et aux contraintes/opportunités du monde moderne sera fonction de la qualité des changements en cours dans le dispositif institutionnel et des processus de prise de décision et les résultats concrètement palpables par le commun des citoyens.

Tout porte à croire que notre nouvelle Assemblée Nationale sera, pour le meilleur, une tribune animée ou seront débattues avec passion toutes les questions même celles qui pompent les nerfs a certains et les font sortir de leurs réserves habituelles. Elle comptera en son sein des leaders parmi les plus charismatiques de la scène politique nationale et tous les grands courants d’opinion et groupes sociaux y sont correctement représentées. C’est l’occasion de dire merci aux autorités de transition et constater que notre administration publique est capable, malgré ses nombreux et variées dysfonctionnements, de produire des résultats satisfaisants. On peut dire le mal qu’on veut du CMJD et son gouvernement et même avec raison souligner les insuffisances de leur gestion mais on ne peut ignorer le bien qu’ils auront fait pour ce pays en conduisant a son terme un processus politique qui permet aujourd’hui d’espérer pour les Mauritaniens des lendemains meilleurs.

Mais l’Assemblée Nationale sera, aussi, espérons non pour le pire, le reflet de l’indécision de notre peuple partagé entre le désir du changement véhiculé principalement par les partis de l’ancienne opposition et la peur de l’avenir et son corollaire l’attachement aux statu quo perçu comme un moindre mal dont l’expression se trouve dans le soutien populaire relativement important aux candidatures indépendantes qui ont en commun leur encrage local et leur appartenance a l’ex majorité présidentielle. Il n’y a pas de majorité claire au grand dam de ceux qui caressaient le rêve d’écraser l’adversaire et crier victoire mais aussi a la déception et même l’inquiétude de ceux qui croient au rôle décisif de la chambre basse du parlement dans l’impulsion des reformes et l’approfondissement de la démocratie. Une situation qui remet a jour la nécessité du dialogue et « du compromis historique » pour sortir notre pays de la crise multidimensionnelle dans laquelle l’a plongé vingt ans de pouvoir personnel, de carriérisme politique et de défaillance institutionnelle. On revient presque a deux ans en arrière avec la différence notable que les parias d’hier ont acquis une place confortable dans la configuration politique actuelle et qu’aucun pouvoir en place n’a le désir, ni même les moyens de saboter une discussion franche et sérieuse entre des formations politiques fraîchement mandatées par les populations pour représenter leurs intérêts, pouvant déboucher sur un mémorandum de sortie de crise et pourquoi pas d’une plate forme commune de gouvernement.

Le pire serait que dans un contexte de fragilité institutionnelle et de peu d’encrage des pratiques démocratiques, la classe politique s’aventure dans une guerre de tranchées, de débauchages réciproques en vue de créer des majorités artificielles, pour s’emparer du gouvernement et de l’administration et manipuler le Parlement. Ce dernier y perdra toute crédibilité et on assistera alors a une instabilité gouvernementale chronique qui aboutira, dans le meilleur des cas, a une dissolution de l’Assemblée Nationale et un retour presque assuré a une chambre basse monocolore, a la solde de l’exécutif, le peuple n’ayant pas encore développé la capacité de résister aux sollicitations de son Chef. Une perspective dangereuse qui ouvre la voie à tous les dérapages dont le plus probable est la prise de pouvoir, une fois encore, par les chefs militaires et l’ajournement, jusqu'à nouvel ordre, du projet démocratique. Une perspective que beaucoup dans l’establishment ne verraient pas d’un mauvais œil pour l’opportunité qu’elle leur offre de ne jamais répondre de leurs actes.

Ce qui est demandée, aujourd’hui, n’est pas moins qu’une forte dose de volontarisme, d’abnégation et d’oubli de soi, non seulement dans les paroles, mais surtout dans les actes pour dégager une majorité stable des bonnes volontés pouvant soutenir dans la durée un Gouvernement de compétents et d’intègres capable de propulser notre pays sur une nouvelle orbite. Un Gouvernement et une majorité stable qui travailleront main dans la main pour casser rapidement le cercle vicieux de la pauvreté, de l’injustice, du désespoir et de l’irrationnel dans lequel tourne la plupart de nos concitoyens. C’est l’exigence du moment pour que demain on puisse arriver a un jeu politique assainie ou l’équilibre des pouvoirs est assuré par des institutions publiques devenues impersonnelles et au service de la République et ou le Gouvernement et son opposition sont chacun en ce qui le concerne conscients de leur rôle et déterminés a le remplir mais a ne pas le dépasser.

Rien a mon avis n’empêche la formation de cette majorité ni dans les principes, ni dans la réalité politique du moment. Les partis politiques ne défendent pas des idées fondamentalement divergentes et les bonnes volontés, la compétence et l’intégrité n’est l’apanage, ni le monopole d’aucune formation particulière. De plus, les élus ne peuvent prétendre s’être liées les mains par des engagements précis qu’ils auraient pris durant les campagnes électorales. Tous ont défendu la nécessite du changement et désavoué chacun a sa manière la façon dont le pays est gouverné. Même la traditionnelle dichotomie ex-opposition-ex-majorite n’a plus de sens du fait que les transfuges occupent des positions dominantes dans les formations de l’ex opposition et le PRDR, héritier du PRDS n’est plus ce parti arrogant et dominateur depuis le départ forcé de son Président et l’hémorragie des candidatures indépendantes.

La balle est aujourd’hui dans le camp des grands partis réunis au sein de la coalition des forces du changement qui doivent tendre les mains aux partis de l’ex majorité présidentielle et les indépendants. Ces derniers devront auparavant montrer qu’ils sont plus qu’un ensemble de singletons unis par le seul souci de la sauvegarde de leurs privilèges indus et la défense du statu quo. Il ne sera pas question seulement de partages de postes comme c’est la coutume mais l’accord, dans les détails, sur un programme de Gouvernement. C’est l’occasion pour les partis politiques de s’exercer à la négociation, à la politique dans toute sa noblesse, à l’art du possible, pour dégager une plate forme commune de Gouvernement pour les cinq années a venir. Une fois l’accord obtenu, chaque parti politique aura en charge un ou des (sous)secteur(s) de l’activité gouvernementale selon sa représentativité et sa capacité a faire mieux que les autres. En sa qualité de premier parti du pays - une position validée par les urnes et non la résultante d’une construction postélectorale comme le serait un parti des indépendants - c’est au RFD que revient la responsabilité et l’honneur de conduire ce processus a son terme pour que la Mauritanie appartienne désormais a tous sans exclusion et que cette entreprise communautaire postcoloniale retrouve les élans patriotique des indépendances et s’engage sans retour sur la voie de l’honneur, la fraternité et la justice.

No comments:

Post a Comment