Published by Forum Diaspora November 2005
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Notre pays a connu pendant le mois béni de Ramadan des journées historiques ou une aspiration longtemps exprimée s'est finalement concrétisée. Un cadre de dialogue et de concertation très ouvert rendu crédible par l'implication directe, visible et effective du Chef de l'Etat. C'est une rupture nette avec la conception et les schémas de dialogue développés sous le régime déchu ou l'ancien Chef de l'Etat regardait du haut de son piédestal ses courtisans et laudateurs exposer toute leur arrogance et leur indécence à une opposition faible et désunie mais néanmoins désireuse jusqu'au bout de ne pas saboter l'avenir. Il doit le regretter maintenant de son exil doré dans le royaume de Qatar. Une page sombre de notre histoire est ainsi tournée mais il va falloir travailler dur pour éviter un sursaut des démons responsables de nos misères individuelles et collectives : l'impunité, l'injustice et l'absence d'équité.
La transition n'est qu'une étape d'un processus long et non linéaire pour parachever la modernisation des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles et faire du mauritanien un citoyen éduqué et productif ayant un accès large aux sources du savoir et de la richesse. Il ne faut surtout pas la surcharger pour éviter l'enlisement dans des questions complexes peu consensuelles et lui permettre de se concentrer sur l'essentiel à savoir l'assainissement de l'Etat et la remise du pouvoir à des autorités nationales librement choisies de manière transparentes selon des règles consensuelles élaborées en concertation avec tous les acteurs de la scène politique. Cependant, nul ne peut ni ne doit ignorer la soif de justice de la majorité du peuple, notamment tous ceux nombreux victimes ou non qui croient qu'il n'est pas juste, ni dans l'intérêt stratégique de notre pays de simplement passer l'éponge sur les responsabilités de l'ancien régime concernant les atteintes graves au droit de la personne humaine et les abus de gestion à grande échelle ou de passer toute l'ardoise à un Gouvernement, ayant certes la légitimité des urnes, mais ne disposant probablement pas du même consensus dont jouit actuellement les autorités de transition, ni de la même force de caractère. Le Gouvernement de Sidi Mohamed Ould Boubacar doit prendre sa part de responsabilité et alléger le lourd fardeau hérité de vingt ans d'abus et d'impunité. Il est opportun comme je crois le Ministre de la Justice l'a fait entendre que les tribunaux puissent examiner les plaintes des citoyens relatives aux cas de tortures et autres atteintes aux droits de la personne humaine dans un esprit de justice loin des surenchères et des règlements de comptes. Il faudrait aussi que l'Etat rétablisse dans leur droits tous les citoyens qui ont été a un moment ou un autre victimes de discrimination liées à leur appartenance ethnique, à leur statut social ou à leur engagement politique. En particulier, l'exclusion dont ont souffert les cadres de l'opposition doit enfin prendre fin. Mais c'est au niveau des finances publiques que le mal est systémique et ses ravages endémiques. Le pays est au bord du gouffre et il n'est pas exagéré de parler de banqueroute pour qualifier la situation financière de l'Etat. On se demande en effet comment les autorités de transition pourront répondre aux larges et diverses attentes des populations (déflation ou au moins stabilisation des prix, désendettement, amélioration du pouvoir d'achat des salaries, notamment les fonctionnaires, Investissement en productivité et dans les infrastructures, amélioration de l'éducation et de la santé, modernisation des forces armées, etc..) avec les maigres ressources de la fiscalité et une capacité d'endettement limitée par les engagements ultérieurs.
Le collectif budgétaire n'adresse pas, à mon avis, ces questions defond et ne constitue pas une rupture substantielle avec le passé. Il se limite à un aménagement formel permettant surtout de régulariser des dépenses extrabudgétaires illégales, dont devrait être comptable le Trésorier payeur général de l'Etat. Ce dernier est, il faut le rappeler pécuniairement responsable de toutes les irrégularités de caisse, notamment des payements de dépenses faites hors des règles strictes de la comptabilité publique. Il est malheureusement fort probable qu'in fine l'Etat se retrouvera avec un déficit budgétaire de plus de 70 milliards d'UM pour l'année2005 dans la mesure où on se demande par quel miracle l'administration des Finances va augmenter les recettes publiques de 20% en quatre mois, un essor sensible de la productivité des agents du fisc dont les causes ne sont pas clairement expliquées. La dette intérieure risque alors de doubler pour la simple raison que le Gouvernement ne fera pas, comme son prédécesseur, appel à la planche a billet pour financer son déficit si il persiste dans sa volonté de maîtriser les prix. La planche à billet est, il faut le rappeler, un mécanisme désuet par lequel le Gouvernement finance le déficit budgétaire par l'institut d'émission de la monnaie. Il suppose une subordination de fait de la Banque Centrale au Trésor, incompatible avec tout effort sérieux de modernisation des instruments de gestion de gestion de l'économie. C'est un mécanisme inapproprié et peu recommandable pour son impact direct sur l'augmentation du niveau général des prix. C'est en quelque sorte une manière de financer les déficits publics par le consommateur et l'épargnant sans leur demander leur avis. C'est, enfin, un indicateur de l'absence de rigueur dans la gestion de l'économie peu accepté par nos bailleurs de fonds. D'où les tactiques de maquillages devenues la spécialité de l'ancienne administration desFinances qui ont valu à notre pays le blâme et la mise en demeure du FMI l'année dernière(http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2005/pn0571.htm).
Le doublement de la dette et la probabilité que les grands équilibres macroéconomiques continueront à se dégrader- ce ne sont vraisemblablement pas les premières retombées de l'exploitation pétrolière qui renverseront la tendance en 2006/2007- devraient pousser le Gouvernement de transition à une meilleure information du public sur les contraintes qui pèsent sur son action du fait de l'étendue des dégâts hérités du régime déchu. Il y va de sa crédibilité et surtout du soutien des populations qui ne peuvent continuer à souffrir en silence en l'absence d'une vision claire de leur présent et de leur avenir proche et lointain. Surtout qu'au même moment, les responsables de leur misère affichent une opulence insolente et ne semblent pas regretter le mal qu'ils ont infligé à cette nation.
Le Gouvernement de transition ne peut faire l'économie d'un effort sérieux visant à faire la lumière sur les mécanismes qui ont permis à ceux qui nous gouvernaient et à leurs intendants, en connivence avec une bourgeoisie affairiste, d'amasser des richesses considérables sur le dos de la collectivité. Il devrait aussi expliquer pourquoi l'Etat parait incapable et même peu intéressé par le recouvrement ne serait ce qu'une partie de ses biens détournés pour satisfaire une part de ses besoins de financement. Ce ne sont pourtant pas les preuves ni l'invisibilité du patrimoine des coupables qui manquent. L'Inspection Générale d'Etat, nouvellement créée, pourrait se charger de cette mission et entreprendre un travail d'investigation en profondeur des dépenses, des décaissements, des cessions d'actifs, et des marches publics pour évaluer le montant global des détournements et identifier la liste des intervenants. Les personnes incriminées devront répondre de leurs actes suivant une démarche juste et progressive, à valeur d'exemple, pour en finir à jamais avec l'impunité.
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