Published by Forum Diaspora December 2005
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J'ai eu l'occasion durant une courte visite dans la capitale fédérale américaine de rencontrer des compatriotes et de participer à des discussions, parfois intenses, sur l'état de la Nation et les visions d'avenir. J'ai été agréablement surpris par le niveau des discussions et le désir de chacun de se faire entendre à dessein d'influencer et de peser sur l'évolution des événements, découlant à mon avis d'un sentiment partagé que quelque chose d'intéressant et de réel est entrain de se passer dans notre pays. L'aspiration de justice a été sur toutes les lèvres. Justice sociale pour les descendants d'anciens esclaves qui ont été victimes d'abus et de discriminations au fil des siècles, pour leur donner plus de chance dans la compétition que se livrent les citoyens pour la création et la répartition de la richesse nationale. Justice, tout court, pour les négro-africains déportés lors des événements de 89 et ceux qui ont souffert pendant les années de braise dans le cadre de l'épuration du passif humanitaire du régime déchu. Justice pour tous dans la perspective d'une application stricte de la loi visant à punir et éduquer tous ceux qui ont usé de leurs charges publiques pour s'enrichir et abuser les citoyens. La demande de justice est forte et les autorités nationales ne peuvent continuer à l'ignorer sans courir le risque d'accroître les frustrations et donc le désenchantement d'une partie importante de la population qui attend des actes forts sonnant la fin de l'impunité. Il va falloir, cependant, accepter une échelle des priorités dans le sens ou les demandes ne peuvent être satisfaites en même temps et surtout éviter les surenchères sectaristes pour ne pas dériver dans un populisme porteur de beaucoup de dangers pour la stabilité du pays et de ses institutions.La dictature en Mauritanie a affaiblit l'Etat en le vidant progressivement de sa substance pour ne plus être qu'un ensemble de passe droits et de rentes au profit de groupes et d'individus qui très souvent tirent la légitimité de leur situation d'une prétendue représentativité d'un segment de la population. Le mérite professionnel, à la base de toute bureaucratie d'Etat digne de ce nom a été supplanté par un système informel de dosages ethniques et tribaux dont les règles sont restées méconnues pour l'observateur le plus averti qui a fini par aliéner les compétences et mécontenter tout le monde. Cette philosophie devenue au fil du temps une culture de gouvernement sera difficile à éradiquer et risque de trouver une légitimité populaire en l'absence d'un leadership national de qualité, conscient des intérêts supérieurs de la Nation et capablede modérer et de contenir les revendications sectaristes dans les limites que dicte l'urgence et la nécessité de créer un Etat républicain moderne, le seul en mesure de préserver l'unité nationale et symboliser la communauté de destin.
Je ne veux pas d'une république des communautés ou chaque groupe ethnique, régional ou tribal aura pour priorité de pousser son propre agenda, le plus souvent sans grande considération pour les aspirations des citoyens individus qui le composent et les intérêts supérieurs de la Nation. Le processus démocratique qui vient de s'enclencher ne réussira que dans la mesure où il permettra l'affermissement de l'Etat républicain, au sens jacobin du terme, centré sur les droits et devoirs du citoyen. Un Etat fort et juste, supporté par une bureaucratie du mérite et composé d'institutions efficaces et efficientes qui font de l'écoute et du service du citoyen usager leur raison d'être.
J'aurai aimé que les autorités de transition initient une action volontaire d'envergure de nature à insuffler un esprit nouveau fort pouvant entraîner le prochain gouvernement dans une entreprise irréversible de modernisation et de renforcement de l'Etat. Pour des raisons que j'ignore, liées certainement à la courte durée de leur mandat et peut être aussi aux multiples résistances du système, elles ont opté pour le statu quo, retardant des reformes structurelles que seul un gouvernement fort peut concevoir et mettre en œuvre. J'ose espérer que nos hommes politiques pourront dépasser leurs intérêts partisans pour créer une bureaucratie d'Etat selon l'unique critère du mérite, la seule en mesure d'assurer sur le long terme la défense de l'intérêt général. Cette bureaucratie ne peut se créer sur les vestiges des structures administratives héritées de l'ancien régime. Il va falloir innover et penser à la possibilité de commencer de zéro, profitant du coût relativement bas des personnels de la Fonction Publique. Je crois qu'il est tout a fait possible, pour un temps, d'avoir en parallèle deux Fonctions Publiques. L'actuelle bâtie sur des critères de népotismes, de laxisme et de laisser faire, avec une productivité du travail voisine de zéro, des salaires bas et une faible qualité de service. Son extinction sera programmée. Ses agents seront encouragés à se redéployer sur des emplois plus productifs et plus incitatifs soit dans le secteur privé ou pour les plus capables dans une nouvelle Fonction Publique. Cette dernière basée sur des normes modernes de performances, ou les recrutements et les promotions répondent à des besoins bien identifiés et se font suivant des règles qui garantissent une compétition saine entre les candidats selon le seul critère du mérite. La productivité y sera optimale et les salaires élevés. Ses emplois seront pourvus par la seule voie du concours national ouverts à tous les mauritaniens qu'ils soient fonctionnaires ou non.
Cette approche de reforme s'appuie sur le constat établi que de larges pans de la présente administration sont peu fonctionnels et dépourvus de capital d'expérience qui justifierait leur maintien. Beaucoup de ses agents ont peu ou pas de qualifications qui leur permettraient de s'insérer positivement dans une administration de développement. D'autre part, il ne sera pas possible de réaliser l'indispensable augmentation des salaires des agents publics sans contrepartie en terme de productivité, ie suppression, redéploiement, et formation des personnels. Enfin, il parait indispensable d'ouvrir la fonction publique à tous les mauritaniens pour éviter de donner une prime au népotisme, laxisme et laissez faire qui a caractérisé la gestion des ressources humaines de l'Etat ces dernières années.
Je comprends la difficulté de la mise en oeuvre d'un tel schéma de reforme compte tenu du peu d'expérience qu'ont nos administrations dans la conduite des changements en profondeur mais c'est à mon avis la seule voie susceptible de réconcilier les mauritaniens avec leur Etat et de créer les conditions d'un développement durable des capacités de conception, d'exécution et d'évaluation des politiques publiques nationales.
Je crois, cependant, qu'il s'agit d'une stratégie ambitieuse mais réaliste qui n'exige comme préalable que la volonté du décideur national et la création de structures capables d'inscrire cette volonté dans la durée. Je pense en particulier à la création d'une haute autorité indépendante de la Fonction Publique qui aura la charge de piloter les reformes de la Fonction Publique suivant une approche technique et professionnelle loin de l'improvisation et des considérations partisanes. Elle sera composée d'experts et d'hommes d'expérience de haut niveau capables de faire preuve d'indépendance et de justes jugements. Le processus de transformation de notre Fonction Publique doit être au cœur de l'entreprise de modernisation nationale. Il est trop important pour être laissé aux politiques pour paraphraser un homme politique anglais qui avait dit que « la guerre est trop importante pour être laissée aux militaires ». Les acteurs de la société civile et les personnalités indépendantes devraient faire preuve de plus d'intérêts pour la question et se mobiliser pour avancer cet agenda.
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